Petite promenade sur les quais

J'éclate de rire au milieu du couplet, incapable de me retenir devant l'air ahuri d'une vieille dame. Ce refrain (si vous vous demandez d'où il vient) est une invention de ma mère. Ça date de ce matin, quand je suis allée la voir dans sa chambre. Elle chantonnait cet air horriblement amusant. Aussi ai-je décidé de le retenir pour la répandre tout autour de moi, semant le bonheur à coups de chansons grivoises improvisées. (la preuve, je ne connais même pas l'air exact, je n'arrête pas de le changer chaque fois que je me remets à chanter)

Quelques mètres, quand je peux reprendre mon souffle, je me contente de siffloter gaiement, plongeant la main dans mon sac en cuir. Cette vieille dame aurait du regarder ses poches plutôt que de porter attention à ce que je disais. Je tire de mon sac une bourse qui m'a l'air bien remplie. Billets, monnaire, cartes... ça peut toujours servir, mais j'évite habituellement de me servir de l'identité des gens qui ne me ressemblent pas. (c'est que ceux qui me ressemblent se font plutôt rares)

Je m'approche du port. Je compte bien y faire l'inventaire de ma chasse au trésors de la journée. Je m'installe à l'ombre d'un muret et vide le contenu de mon sac par terre devant moi.



Trois porte monnaie dodus. (sauf un, que j'ai volé à un pauvre sans le faire exprès) Un quartier de viande volé sur l'étalage du boucher. C'est maman qui sera contente. (enfin, si elle se souvient de mon nom ce soir et ne me prend pas pour un cambrioleur) Je ne porte pas grande attention à ce qui m'entoure. De toutes façons, il n'y pratiquement personne ici aujourd.hui. J'entreprends de compter l'argent à l'abri des regards... Ce à quoi je ne pense pas, c'est que ma chanson risque d'attirer l'attention des gens.

Ah, la brise marine... Quelle joie, ça me rappelle ma jeunesse, quand, innocent comme une souris, je vaquais à mes occupations de gardien dans les grandes plaines du sahara.
D'un coup, je surprends une humaine qui compte de l'argent (normal, me diriez vous) mais qui le tire de divers porte monnaies, ce qui est peu fréquent. Interrogé par ma conscience de bon djinn et surtout, la libération que me rapporterait l'emprisonnement de cette charmante jeune fille qui chante des refrains grivois, je décide d'en savoir un peu plus..
Je me métamorphose en gamine de son âge, un peu punk, dont les piercings brillent au soleil. En nickel, les piercing, je suis pas maso non plus. J'ajuste mon débardeur décoré de têtes de morts et la salue.
"Salut ! Je m'apelle Mireille (je connais pas vraiment les noms des jeunes, moi) mais tout le monde m'appelle Elbaz, je sais pas pourquoi. Je suis pickpocket moi aussi, on peu partager ?"
Pour avoir l'air un tant soit peu crédible, je sors divers portefeuilles remplis de pièces et même un collier en perles de ma sacoche. Je pense un instant à sortir des objets magiques mais si cette plébéienne fait partie de la Résistance, elle va m'intégrer au groupe et là, je ne donne pas cher de ma peau.

Une voix interrompt mon chant harmonieux – on dirait plutôt des casseroles qui s'entrechoquent – et je lève la tête, surprise. Mon premier réflexe est de remettre rapidement tout mon butin dans mon sac et de me préparer à décamper. Mais je prends toutefois le temps d'écouter la fin de la phrase.

-... suis pickpocket moi aussi, on peu partager ?

Je me calme légèrement. Au moins ce n'est pas la police ou un truc chiant du même genre. Elle a un style un peu particulier. Mireille elle a dit? Mireille me regarde attentivement, et je fais de même. Puis, brisant le silence, j'émets un petit rire sardonique. Pour qui elle me prend? Si elle a bossé moins que moi ce ne sera pas équivalent, et le contraire est aussi vrai. Et puis je n'ai jamais entendu parler d'associations de voleurs de rue. – sauf cette grosse mascarade de résistance mais eux, c'est une autre paire de manches –

-Je sais pas dans quel monde t'as été élevée, mais il n'est pas question que je partage quoi que ce soit. Cet argent, j'ai risqué ma peau pour l'avoir. – c'est pas tout à fait vrai si on considère mon agilité – Et puis je suis pas intéressée par le boulot de quelqu'un d'autre. Tu l'as volé, tu le gardes. Merci bien.

Et puis, cet argent, j'en ai besoin. Je vis de mon illégalité et je fais vivre ma mère. Si je m'arrêtais à échanger mes biens avec cette fille couverte de métal, je risquerais de me faire avoir et de la voir se faire la malle avec ma récolte.

Alors, là, je suis profondément choqué et je ne maitrise plus du tout la bête féroce et indomptable qui sommeille en moi. J'attrape la fille par les bras et, laissant pousser une paire d'ailes dans mon dos, je la soulève au dessus de l'eau. Ca me vexe terriblement de me faire remballer par cette jeune fille aux cheveux douteux. Je suis tenté de la laisser joyeusement choir dans l'eau embourbée de la Tamise (je me suis rendue compte que ce n'était pas la mer ^^) mais la libération que je tirerais de la capture de cette charmante humaine vaut plus que de l'or à mes yeux. En plus, elle a avoué être pick pocket et j'ai tout sauvegardé dans mon cher disque dur à mémoire sélective.
Je tisse un chatoiement autour de la fille et m'envole avec une grâce éléphantine sous la forme d'un pigeon. Je vais de ce pas chez mon maître. Elle me payer de ne pas avoir eu confiance en ma grande droiture !

La jeune Mireille, que je soupçonne fortement à présent de m'avoir donné un faux nom, m'attrape durement par le bras.

-Hey! je m'écris en me débattant avec fougue. Ça va pas? Lâche-moi bécasse!

Je remarque avec horreur une paire d'aile se former dans le dos de la jeune fille. Un hoquet d'horreur se fraie un chemin dans mon être et je pousse un cri aigu quand mes pieds se détachent du sol. Je me débats du mieux que je peux, mais nous nous retrouvons bientôt au dessus de la ville, à survoler un peu… l'eau… Je cesse de me débattre le temps que nous retournions au dessus de la terre ferme. Je n'ai pas trop envie de prendre un bain, mais dès que le sol s'approche de nous, je recommence à gigoter comme une damnée, ce à quoi mon kidnappeur répond en prenant de l'altitude. Hm… Je me calme à nouveau.

-Tu vas me lâcher oui? Espèce de… - je lève les yeux et vois un pigeon – Espèce de sale piaf!

C'est étrange, j'ai l'impression que personne ne peut me voir. Et pourquoi la fille est devenue un pigeon? En fait ça c'est évident, c'est une saloperie de démon. Eh merde. En plus tout mes trucs sont restés en bas, qu'est-ce que je vais faire pour maman..? Nous passons tout juste au dessus du toit d'une haute demeure. Une idée germe à mon esprit. Aussitôt, je m'agrippe moi-même à la petite patte du pigeon et me hisse - c'est étrange qu'une si petite chose puisse supporter mon poids à ce point – jusqu'à ce que je puisse planter mes dents avec férocité dans sa petite cuisse.

(S'est suicidé entre temps => 3° édition du message, mon navigateur ne m'aime pas :'( )

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAh !
Horreur et putréfaction ! Cette infame bestiole vient de m'arracher la jambe ! Ah non, elle m'a juste mordu la cuisse. J'ai paniqué, je le regrette : maintenant libérée, elle court sur le toit pour m'échapper. je prends un élan magistral avant de m'aperçevoir de ma malchance : la fille se situe actuellement sur le toit de la maison de mon maitre. Hum, c'est pas le choix le plus simple et spirituel, mais on va faire avec. D'un coup d'aile bien placé, je déclanche le système de défense via nexus.
Tout de suite, c'est la panique générale à l'intérieur, les foliots meurtris sortent par légion des fenêtres, cheminées et autres portes. Affaiblit par ma blessure, je décide de me reposer tranquillement et de regarder l'action depuis un muret non loin. Les réactions magiques et inexplicables de mon essence referment déjà la plaie.